Cahiers des charges : un nouveau chapitre pour les Vins de Nantes

La réforme des cahiers des charges des Vins de Nantes a atteint son ultime étape : celle de l’homologation. L’arrêté est en attente de signature de la part du ministère de l’Agriculture mais l’ensemble des modifications ont été approuvées par l’INAO. De nouvelles mesures vont bientôt entrer en vigueur, ouvrant un nouveau chapitre de l’histoire de nos AOC.
En 2026, l’AOC Muscadet Sèvre et Maine fêtera ses 90 ans. En près d’un siècle, elle a connu des évolutions, des aménagements de son cahier des charges – et du décret d’application qui l’a précédé – pour correspondre aux capacités de production du vignoble et aux attentes des vignerons. « C’est l’une des particularités des AOC que de pouvoir fixer des règles plus strictes que le droit général. Il y a peu de professions ou segments de production qui ont cette particularité là. Le cahier des charges fixe les règles de production considérées comme importantes pour la définition d’un produit, de ses facteurs naturels et l’interaction causale qui établissent sa typicité. Chaque ODG est libre de demander sa révision auprès de l’INAO, l’organisme de tutelle chargé de statuer sur ces demandes », explique Romain Mayet, ingénieur à la Fédération des Vins de Nantes.
Climat et consommation bousculent les appellations
La dernière révision des cahiers des charges des AOC de Nantes remonte à 2019. Celui du Muscadet AOC avait notamment été modifié avec l’abaissement de la densité de plantation à 5 000 pieds/ha ou encore l’introduction du chardonnay en cépage accessoire. Les Dénominations Géographiques Complémentaires (DGC) Goulaine, Château-Thébaud, Monnières Saint-Fiacre et Mouzillon-Tillières avaient également rejoint le cahier des charges du Muscadet Sèvre et Maine. « Cette modification en était une mais elle n’avait pas changé le socle de production de l’AOC existante », précise toutefois Romain Mayet.
Mais depuis 2019, les conditions de production des vignerons de Nantes ont évolué, notamment avec le changement climatique et la nécessité de faire évoluer le cahier des charges s’est à nouveau présentée. « Il y a un besoin d’adaptation, au changement climatique mais aussi aux attentes sociétales. On ne peut pas garder des appellations complètement figées alors que les surfaces décroissent, que la consommation de vin baisse de manière structurelle un peu partout. Ne pas bouger, c’est reculer un peu donc il faut s’adapter et garder une dynamique positive au sein de nos appellations », estime Vincent Lieubeau, vigneron à Château-Thébaud et administrateur à l’assemblée des sections de la Fédération qui régit la vie des AOC de Nantes.

Plus de souplesse, moins de contraintes
En 2022 et à la suite d’enquêtes auprès des consommateurs et de la filière, un important chantier de réforme des cahiers des charges a donc été lancé. Plusieurs réunions ont été organisées avec les producteurs et de nombreux allers-retours ont eu lieu auprès de l’INAO pour valider des mesures qui visent avant tout à simplifier la réglementation. « Sur la densité de plantation, il y avait déjà eu une prise de conscience il y a 10 ans puisque la décision avait été prise d’abaisser celle du Muscadet AOC à 5000 pieds/ha. Aujourd’hui les surfaces en production ont diminué mais il y a quelques nouvelles installations et il n’y a aucune raison de bloquer les projets de ceux qui veulent s’orienter vers de la vigne large. Demain, l’ensemble des AOC du Muscadet, hormis les DGC, pourront passer à 5000 pieds/ha. L’embouteillage des sur lie pourra également se faire dans l’aire de production et l’aire de proximité immédiate et non plus seulement dans les chais de vinification. C’est aussi une mesure de simplification qui permettra de fluidifier le commerce et aux négociants de s’approvisionner en cours d’élevage pour répondre à des marchés. Enfin, pour les sous-régionales, la teneur maximum d’acidité volatile sera alignée sur la norme nationale (0,88 g/L) au lieu des 0,48 g/L avant la modification de cahier des charges : cela va nous donner plus de souplesse pour l’élevage des DGC et pour l’expérimentation de nouveaux contenants, barriques, foudres, amphores qui permettent de mieux valoriser nos vins », précise Vincent Lieubeau.
Concrètement, une dizaine de modifications sont apportées aux cahiers des charges des AOC du Muscadet. En voici le détail :

Depuis le début des travaux en 2022, les étapes ont été franchies les unes après les autres, jusqu’à la validation des modifications par le comité national de l’INAO en juin dernier, puis la Procédure Nationale d’Opposition. Menée du 20 juin au 20 août 2025, elle n’a suscité aucune réclamation. Ne reste plus que l’homologation qui doit être faite par la ministre de l’Agriculture, mais dont les délais sont allongés en raison des récents événements politiques. Une fois l’arrêté signé, les mesures entreront en vigueur immédiatement, et certaines d’entre elles comme l’embouteillage des sous régionales à partir du 1er mars N+1 jusqu’au 30 juin N+2 ou l’embouteillage des sur lie dans l’aire de production et l’aire de proximité immédiate seront applicables au millésime 2025, voire 2024 si l’arrêté est signé avant le 31 décembre.
De nouvelles modifications en 2026
Les évolutions réglementaires ne seront pas totalement terminées pour autant. Dans les prochains mois, la reconnaissance de trois nouvelles Dénominations Géographiques Complémentaires devrait être actée. Vallet, Champtoceaux et La Haie-Fouassière devraient rejoindre la famille des communales du Muscadet en 2026. Le comité national de l’INAO a rendu en juin dernier un avis favorable aux projets d’aires géographiques et ces derniers ont été mis en consultation publique du 25 août au 25 octobre. L’INAO va désormais étudier les réclamations pour une présentation d’un rapport au comité national au printemps 2026.
Depuis 4 ans, la directive VIFA (Variétés d’Intérêt à des Fins d’Adaptation) permet par ailleurs aux ODG qui le souhaitent d’introduire dans leurs cahiers des charges la possibilité d’expérimenter des cépages pouvant répondre à des problématiques identifiées. « Une liste de cépages est en discussion et nous avons des vignerons, qui les produisent déjà, intéressés pour s’engager dans la démarche. Le sujet sera à l’ordre du jour des prochaines assemblées générales des sections », précise Romain Mayet. L’année 2026 devrait être marquée par le dépôt d’une demande auprès de l’INAO. Le livre du Muscadet est donc loin de se refermer…