Quel itinéraire technique pour mon domaine ? Focus 2 : Terra Vitis et HVE
Après la viticulture bio et biodynamique, coup de projecteur ce mois-ci sur Terra Vitis et la Haute Valeur Environnementale (HVE). Deux niveaux de certifications environnementales qui s’appuient sur des indicateurs de performance.
« Ce sont nos clients qui nous ont amené à faire évoluer nos pratiques. Au début des années 2000, on s’est aperçus qu’ils ne venaient pas seulement goûter des vins, ils voulaient savoir comment on travaillait, quels insecticides ou désherbants on utilisait. » Roland Chevalier ne s’en cache pas : ce sont les consommateurs qui l’ont conduit vers Terra Vitis. Une démarche qui s’est faite par étapes pour Les Vignes de l’Alma, un domaine de 11 hectares situé à Saint-Florent-le-Vieil, producteur notamment de Muscadet Coteaux de la Loire. « On a d’abord commencé par la confusion sexuelle puis planté des haies. Cela a solutionné nos problèmes de papillons et de cicadelles. Puis nous avons voulu adhérer à Terra Vitis en 2001. Le réseau correspondait à nos attentes. Nous sommes attachés au développement durable, à la responsabilité sociétale. »
Si rejoindre Terra Vitis c’est pour Roland Chevalier « faire partie d’une famille », c’est aussi et avant tout un engagement à respecter un cahier des charges. Mis à jour tous les ans, il repose sur le respect du terroir, des hommes, de la société et du consommateur mais aussi sur la protection de la vigne et de la récolte et l’innovation. L’enjeu étant de respecter les ressources naturelles et préserver la santé des vignerons, de leurs voisins et de leurs clients.
Ils sont aujourd’hui 700 vignerons dans toute la France à faire partie de ce réseau, répartis entre six associations régionales. Dans le vignoble de Nantes, ils sont 19 adhérents, une « communauté » pour Roland Chevalier. « On se voit deux à trois fois dans l’année. Cela permet de confronter nos savoir-faire, nos problématiques. » Chaque année, l’adhésion coûte environ 580 € HT et 7 €/ha à l’exploitation. Un montant qui finance les actions du réseau mais aussi les audits réalisés tous les trois ans environ. Un contrôle est également effectué dès l’adhésion « pour identifier le travail à réaliser ». Terra Vitis est en effet le niveau 2 de la certification environnementale. Avant de s’engager dans cette voie, le vigneron doit déjà maîtriser le niveau 1 qui consiste au respect de la réglementation environnementale et à la réalisation d’une évaluation de son exploitation au regard des cahiers des charges du niveau 2 ou 3 (le premier audit).
L’obtention de la certification donne droit à l’utilisation du logo Terra Vitis, une obligation même pour les vignerons du réseau. Une plaque est également apposée à l’entrée du Domaine. « Le consommateur doit savoir où il est. Pour nous c’est une fierté. » Désormais en retraite, Roland a passé le flambeau à son fils Romain, installé depuis le 1er août 2017. Pour le jeune vigneron poursuivre la démarche engagée par son père est une évidence. Il pourrait même aller plus loin à l’avenir. « Ceux qui sont Terra Vitis passent souvent en bio. C’est quelque chose que je verrai au fil du temps. Mon prochain objectif c’est déjà de passer aux panneaux récupérateurs. » Le Domaine familial a même déjà dépassé le cahier des charges Terra Vitis. En 2011, Roland Chevalier a fait le choix d’arrêter le désherbage chimique. Un changement qui ne s’est pas fait sans difficultés. « On a fait des erreurs » concède le vigneron, « on a même perdu environ 10 hl/ha les premières années mais on sait désormais ce qu’il faut faire, ou en tout cas, ce qui correspond à notre domaine. » Pour le père et le fils, la lutte raisonnée semble inévitable à l’avenir pour la filière viticole. « Les démarches que nous avons engagées nous permettront peut-être d’être en avance sur la réglementation. On va vite être rattrapés. Demain nous n’aurons peut-être plus le choix. »
HVE : le plus haut niveau de performance
Depuis 2012, les exploitations agricoles peuvent pousser leur engagement à préserver l’environnement encore plus loin. Instaurée suite au Grenelle de l’environnement, la certification Haute Valeur Environnementale correspond au 3e niveau de certification. Elle repose sur quatre thématiques : la préservation de la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et la gestion de la ressource en eau. Pour le Domaine des Génaudières au Cellier, producteur en Coteaux d’Ancenis, l’obtention de cette certification est venue valider le travail effectué depuis plusieurs années. « Nous avons arrêté les herbicides de pré-levée il y a plus de 20 ans. Nos vignes sont enherbées depuis 10 ans. Nous avions envie de communiquer de façon plus officielle sur nos pratiques » explique Pierre-Yves Huguet. Certifié depuis 3 ans, le Domaine y voit surtout un moyen de « mesurer les actions respectueuses de l’environnement. Il n’y a pas d’interdit. Ce qui compte c’est la somme de tous les gestes positifs. C’est vraiment une démarche vertueuse qui nous incite à nous améliorer. »
Au Pallet, le Domaine du Bois Joly partage la même vision. « Depuis 2000, l’exploitation est en lutte raisonnée. J’ai aussi fait partie des premiers groupes Ecophyto et je continue encore aujourd’hui » indique Laurent Bouchaud. « Il y a 15 ans, nous avons commencé à gratter les sols, par tiers sur l’exploitation. Nous avons mené une réflexion sur les traitements, changé le système de taille en Gros Plant. Le passage à HVE ne nous a donc pas demandé de gros efforts. Le plus long a finalement été de répertorier tous les environnements de parcelles, les bois, les haies, etc. »
Pour préparer l’audit de certification environnementale de niveau 3, les deux vignerons ont été accompagnés par les Vignerons Indépendants. En partenariat avec la Chambre d’agriculture, le syndicat organise des formations collectives sur deux jours et une visite individuelle de l’exploitation. Une prochaine session est d’ailleurs prévue les 13 et 29 mars à La Frémoire.
Une fois certifiée, l’exploitation est ensuite auditée tous les 3 ans et visitée par l’organisme certificateur tous les 18 mois. « Tout est regardé : l’indice de fréquence de traitement, les mesures en faveur de la biodiversité, la confusion sexuelle, les haies. Tout ce qui contribue à préserver l’environnement » précise Laurent Bouchaud. « Cela nous permet de nous remettre constamment en question. »
À la différence de Terra Vitis, HVE ne repose pas sur un cahier des charges. La certification se fait sur la base d’une grille de notation qui pousse d’ailleurs les vignerons à s’améliorer d’année en année. Laurent Bouchaud a notamment depuis changé d’appareil de traitement pour ne plus avoir de dérive et cette année, il a prévu « d’effeuiller à bloc en vignes palissées et non palissées ». Au Cellier, Pierre-Yves Huguet va lui « arrêter le désherbage sous les ceps. On a envie d’aller plus loin en supprimant complètement les herbicides. Ce sera le challenge des trois prochaines années afin d’être prêts avant l’arrêt du glyphosate. » Ces projets nécessitent toutefois des investissements matériels mais aussi humains. Laurent Bouchaud a besoin d’un UTH (unité de travail humain) supplémentaire pour s’occuper de ses 30 hectares. Pierre-Yves Huguet fait d’avantage appels à des saisonniers. Des recrutements qu’il juge « valorisants. Les clients nous voient dans les vignes et nous demandent ce que l’on fait, comment on travaille. Ils ont besoin qu’on leur explique. » Laurent Bouchaud considère d’ailleurs que « les consommateurs sont ultra-réceptifs. Quand on leur explique notre démarche, il y a une émulation. HVE est d’ailleurs de plus en plus connu, grâce notamment au logo. » Les exploitations certifiées peuvent en effet afficher le logo sur leurs bouteilles mais également à la cave. En France, elles sont près de 800 à l’arborer, toutes productions confondues. En Loire-Atlantique, 8 domaines viticoles sont actuellement certifiés Haute Valeur Environnementale.
Pour aller plus loin :
Vignerons Indépendants – « Haute Valeur Environnementale : vigne, nature et bonnes pratiques ne font qu’un »
Ministère de l’Agriculture : « Certification environnementale, mode d’emploi pour les exploitations »