L’image du Muscadet, du local à l’international – Première partie
Ils sont restaurateurs, cavistes, élus, importateurs, organisateurs d’événements ou chef de rayon et ont un point commun : le Muscadet. A la fois consommateurs et ambassadeurs, ils contribuent à son rayonnement au niveau local, national et international. Nous avons voulu en savoir plus sur leur perception de l’appellation et de son avenir. Premières impressions avec les prescripteurs locaux.
Le point de vue du caviste : « Un super vin avec une vraie typicité »
Située au cœur du marché de Talensac, la cave de Sébastien Leclerc est un point de passage obligé pour les amateurs de bon vin et les amoureux de gastronomie. Installé ici depuis 14 ans, le caviste y sert « une clientèle de quartier la semaine et d’épicuriens le week-end » mais surtout de « vrais connaisseurs » qui apprécient le Muscadet. Aux Coteaux de Talensac, les bouteilles de Muscadet sont d’ailleurs en première ligne, tout près de la caisse : « Le dimanche matin je fais 150 clients et un sur trois achète du Muscadet. C’est un vin qui est souvent choisi pour l’apéritif. Les jeunes aussi sont clients. Les 18-23 ans par exemple ne veulent que du Muscadet. Il y a encore des clients qui arrivent en disant « Plus jamais de Muscadet » et qui finalement repartent avec une bouteille. L’avis général est très bon et cela est dû au renouvellement du vignoble. De mon avis, c’est un super vin avec une vraie typicité. C’est le dernier vrai vin minéral. C’est un vin frais, d’apéritif, qui s’accorde parfaitement avec les fruits de mer. Mais c’est aussi un vin de garde. Je suis très confiant quant à l’avenir du Muscadet. Dans le bio surtout, le bio c’est l’avenir. »
Il a toutefois un conseil pour les vignerons de Nantes : «Il ne faut pas chercher à aligner ses prix sur celui du voisin. Cela s’adresse surtout aux jeunes installés. Il faut d’abord faire ses preuves et montrer que son vin est bon, puis monter progressivement les prix. Cela nous permet, à nous caviste, de faire un travail de découverte et de lancer des jeunes avec des volumes. Il s’agira ensuite de confirmer la clientèle. Nous sommes des vraies pages publicitaires pour les vignerons. »
Autre caviste, autre quartier. A Nantes toujours, la Cave Jules Verne propose depuis 20 ans plus de 600 références de vins dont plus d’une dizaine de Muscadet. Erwan Cadeville nous en dit plus dans la vidéo ci-dessous.
Le point de vue du restaurateur : « Aujourd’hui toute l’appellation est anoblie »
Au restaurant Anne de Bretagne à la Plaine-sur-Mer, le Muscadet est une institution. L’appellation occupe pas moins de quatre pages de la carte des vins de cette maison doublement étoilée au Guide Michelin. Aujourd’hui encore la carte continue de s’enrichir de nouvelles références au gré des découvertes de son nouveau chef Matthieu Guibert. Successeur de Philippe et Michèle Vétélé fin 2016, le jeune chef est resté dans la lignée de ses prédécesseurs et se définit comme un « ambassadeur » dont le rôle est de « mettre en avant les jolies choses ». Pour cela, Matthieu Guibert n’hésite pas à quitter ses cuisines pour se rendre dans les vignes. « En un an et demi j’ai rencontré tous les vignerons qui sont à la carte. Je voulais voir comment ils travaillent. Comprendre, c’est la base de tout. C’est non seulement intéressant mais c’est nécessaire de les rencontrer. Il y a un côté tellement attachant. Ce sont des gens qui travaillent la matière. Ils ont un an pour fabriquer un vin, avec tous les aléas, le stress, etc. Ce sont des artisans et c’est une fierté d’avoir un vignoble à côté du restaurant, encore plus quand les vignerons font du très bon travail. Il y a eu un renouveau et aujourd’hui toute l’appellation est anoblie. Je suis convaincu de la qualité du Muscadet. Il y a à la fois des vins très vifs, jeunes et frais et d’autres plus structurés et qui peuvent vieillir. Ma cuisine, qui est très axée sur les coquillages, les crustacés, les fruits de mer, avec un gros travail sur les sauces, sur les jus, s’accorde bien avec le Muscadet. On fait la cuisine de notre territoire et c’est le vin du territoire. Il y a une cohérence. » Quant aux clients, sont-ils eux aussi séduits par la qualité du Muscadet ? « J’ai trois types de clients : le gastronome, lié aux étoiles, qui va avoir une préférence pour les Bourgogne ou les Bordeaux et auprès duquel il faut faire un gros travail de pédagogie, le gastronome qui va faire confiance au sommelier et découvre volontiers les vins de Nantes, et le client local qui connaît les vignerons et sait qu’ils font des choses extraordinaires. Tout le travail mené ces dernières années par les vignerons et la campagne de communication lancée par la Fédération des Vins de Nantes a contribué à changer cette image. Maintenant on est peut-être dans une phase de maturité. Nous n’avons plus à rougir de ce qui est fait. Au contraire, il faut en être fier. »
A Nantes, les Chants d’Avril sont également une référence en matière de Muscadet. Ici les photos de vignerons s’affichent aux murs et les roches sont présentées aux clients, lancés dans une expérience oeno-bistronomique pilotée par Christophe et Véronique François. Le chef nous en dit plus dans la vidéo ci-dessous.
Le point de vue du partenaire culturel : « Notre rôle est de rapprocher le public et les producteurs locaux »
Le Voyage à Nantes c’est bien sûr un parcours artistique et touristique mais c’est aussi et surtout un outil de promotion de la destination Nantes et de toutes ses composantes, gastronomie incluse. L’histoire entre le Voyage à Nantes (VAN) et les Vins de Nantes n’a d’ailleurs pas commencé avec le parcours dans le vignoble mais il y a près de 13 ans avec le lancement de la cuvée Unique. « Le but était de suivre un élevage sur une cuvée » se souvient Richard Baussay, chargé de la promotion culinaire au VAN. « Six cuves avaient été installées au Lieu Unique. Le vin était issu de six parcelles du vignoble de Nantes. Nous avons travaillé les assemblages puis procédé à l’embouteillage. C’était aussi un prétexte à une soirée avec des chefs. » Venu du monde culturel, Richard Baussay concède volontiers avoir « redécouvert le Muscadet à cette occasion. Je n’étais pas plus amateur que cela mais j’ai pu constater que des vignerons travaillaient très bien. Je me suis dit qu’on avait peut-être un rôle à jouer, que l’on pouvait peut-être les aider. » Naît alors le Festival « Les Goûts Uniques » puis « Le Guide des Tables de Nantes » anciennement Prix Charles Monselet, avec l’envie de promouvoir le Muscadet. « Nous avons lancé le logo « I love Muscadet » pour valoriser ceux qui en sont les ambassadeurs. Il est affiché par les restaurants qui ont au moins 5 Muscadets à la carte. Aujourd’hui une adresse sur deux l’affiche et c’est devenu naturel pour les restaurateurs d’avoir du Muscadet. C’est leur vignoble et c’est ce qui les a amené à lancer l’opération « L.é.Paulée Nantaise » sans que ce soit de notre initiative. » Redevenu prophète en son pays, le Muscadet pourrait prochainement s’attaquer à un autre territoire avec l’appui du Voyage à Nantes. « Je souhaiterais le rattacher à la gastronomie bretonne. En Bretagne il y a de la bière, il y a du cidre mais pas de vin. C’est la prochaine étape. » Richard Baussay se définit d’ailleurs comme « un entremetteur » plus qu’un ambassadeur. « Notre rôle est de rapprocher le public et les producteurs locaux ».
A son arrivée à la direction de la Folle Journée, il y a deux ans, Joëlle Kerivin, a elle aussi tenu à promouvoir le Muscadet pendant le Festival. Si la sélection d’une cuvée « Folle Journée » est devenue une tradition, la directrice de l’événement a voulu aller plus loin en permettant au lauréat de promouvoir sa production auprès des restaurateurs locaux. « Il y a encore un déficit d’image et je trouve intéressant d’aider à faire connaître les Vins de Nantes. Le partenariat avec la Fédération des Vins de Nantes permet justement de mettre en lumière les produits locaux et la richesse de notre région. » En plus d’arborer le pendentif officiel « Cuvée Folle Journée », le Muscadet Sèvre et Maine sur lie de Jérémie Batard, lauréat 2018, est également vendu dans la boutique du Festival. Il sera par ailleurs offert par les organisateurs de la Folle Journée lors de leurs déplacements en France et à l’étranger.
Le point de vue de l’élu : « Allier l’image de la ville à celle du Muscadet »
Maire de Vertou depuis 2014, Rodolphe Amailland se considère comme un défenseur du Muscadet mais aussi comme un « héritier d’un triptyque : celui de l’identité, le vignoble ayant fait l’histoire de la ville, celui de l’économie car le Muscadet c’est d’abord une filière et je n’ai pas envie qu’à Vertou on s’en rappelle comme d’un vague souvenir, et enfin celui du paysage car la ville ne serait pas la même s’il n’y avait pas eu la viticulture. » Garant de la protection de cet héritage, l’élu a lancé il y a un an un état des lieux des enjeux de la viticulture à Vertou. Après plusieurs réunions, collectives et individuelles, avec les vignerons et agriculteurs de la commune, un plan d’action a été élaboré. Il sera présenté courant mars « autour de trois choses : la réglementation, la pédagogie c’est-à-dire expliquer les contraintes des vignerons aux vertaviens, et la promotion. Ce travail promotionnel doit s’appuyer sur notre capacité à allier l’image de la ville à celle du Muscadet et inversement. » Rodolphe Amailland ne manque d’ailleurs pas une occasion d’assurer ce rôle d’ambassadeur lors de ses déplacements et rencontres nationales ou internationales. Il a d’ailleurs récemment fait envoyer des bouteilles au Premier Ministre et au Président de la République. Il souhaite désormais que la mairie devienne une vitrine du Muscadet. Une réflexion est actuellement en cours pour réaménager l’accueil à l’hôtel de ville et en faire un lieu de promotion du territoire.
A lire le mois prochain : l’image du Muscadet à l’échelle nationale.