AOP, IGP, Vins de France, les Vins de Nantes se conjuguent au pluriel – Focus 3
Troisième et dernier volet de notre dossier sur la diversification dans le vignoble de Nantes. En parallèle du Gros Plant, des Coteaux d’Ancenis et des IGP, de nombreux domaines viticoles revendiquent en vin de France. Vins de cépages ou d’assemblages, vins d’artisans, cette mention offre plus de liberté aux producteurs. Des producteurs qui, dans le Muscadet, ne diversifient pas seulement leur gamme de vins tranquilles. Les vins effervescents gagnent aussi du terrain.
Lorsque l’on évoque avec lui les vins de France, il met immédiatement en avant les termes de « création », de « vins d’artistes ». Pour Jean-Michel Poiron, vigneron à Château-Thébaud avec son frère Laurent, cette dénomination est celle de liberté. Celle de vins « différents », «surprenants », celle aussi qui permet de « jouer avec les cépages ». Autant d’atouts également mis en avant par l’Anivin. Créée en 2009, l’association nationale interprofessionnelle représente tous les vins tranquilles portant la dénomination vin de France. « Elle permet de faire des choses différentes, de s’affranchir des contraintes des cahiers des charges. C’est une dénomination nationale dédiée aux vins de cépages, qu’ils soient mono ou multi-cépages », explique Valérie Pajotin, directrice de l’Anivin de France. « On regroupe aussi les vignerons qui veulent faire un vin selon leur propre concept, leur propre philosophie. Les vins de France, c’est la liberté à la vigne, à la vinification. Ce sont les vins de la liberté. »
Au niveau national, l’Anivin recense 622 opérateurs*, tous agrées auprès de FranceAgrimer, « étape obligatoire pour commercialiser en vin de France », insiste Valérie Pajotin. Près de 31 000 hectares étaient revendiqués en vin de France en 2018 pour une production de 2,7 millions d’hectolitres, principalement de vins blancs (48%). Colombard, Sauvignon blanc, Chardonnay font partie des cépages blancs plébiscités en vin de France. Plébiscités également à l’international, premier débouché de cette dénomination. 74 % des volumes sont en effet exportés. L’étiquetage simplifié comprenant le nom, l’origine France, le(s) cépage(s) et le millésime étant l’un de ses points forts à l’export.
« Moins de repli de l’AOC vers le vin de France »
En Loire-Atlantique, 1 862 hectares ont été revendiqués en Vin de France en 2018 pour une production de 239 200 hectolitres dont 162 600 hl en blanc, 59 300 hl en rosé et 17 200 hl en rouge. Impossible en revanche d’en savoir plus sur les cépages, les assemblages étant de fait possibles avec des vins provenant d’autres régions françaises, à l’exception du Melon de Bourgogne. Produit exclusivement dans le vignoble de Nantes, ce cépage est également revendicable en vin de France. La bonne récolte 2018 a ainsi permis à certains producteurs de placer des volumes dans cette catégorie en début de saison notamment pour consolider leurs trésoreries. « En Muscadet, ils sont nombreux à se libérer du cahier des charges de l’AOC et à produire du Melon en vin de France », indique Valérie Pajotin. « Il y a d’ailleurs de moins en moins de repli de l’AOC vers le vin de France. Les gens sont de plus en plus constants, ne font pas d’allers-retours. C’est un vrai choix stratégique. »
Une valorisation parfois supérieure à l’AOC
A Château-Thébaud, Laurent et Jean-Michel Poiron cultivent 72 hectares de vignes dont 40 ha en Muscadet. Chardonnay, Côt Malbec, Gewurztraminer, Pinot Gris, Sauvignon, Fié Gris, etc., le domaine « joue avec 15 cépages pour proposer une gamme de 25 produits », précise Jean-Michel Poiron. « La gamme est élaborée pour s’accorder avec tous les mets : poissons, viandes rouges et blanches, cuisine indienne, épicée, les desserts. Je déteste rester sur les mêmes notes. Ce qui m’intéresse, c’est le produit.» Il considère d’ailleurs élaborer « des vins d’artiste », plutôt que des vins d’artisan. « L’artisan reproduit ce qu’il a appris alors que l’artiste créé. Un produit doit d’abord mûrir dans l’esprit. Ce qui me fait vibrer, c’est de me faire plaisir. On ne produit d’ailleurs pas de gros volumes. Mais ils sont toujours en adéquation avec le client final, qu’il soit importateur, caviste, restaurateur. » Côté prix, la gamme varie de 4,90 € à 15 € avec une valorisation des vins de France entre 5,80 et 8 €/bouteille.
Adapter son parcellaire au(x) marché(s)
Plus à l’Est, le Domaine Morille-Luneau a lui aussi opté pour la « stratégie de la diversification ». A la fois producteur de pommes et de vin, il exploite 70 hectares de vignes à La Chapelle-Basse-Mer. Producteur de Muscadet et de Gros Plant, Jean-Michel Morille cultive également du Chardonnay, du Sauvignon blanc, du Pinot noir, du Merlot, du Gamay ou encore du Cabernet, « en vin de pays ou en vin de France. C’est l’adaptation de l’année, du millésime qui nous conduit à faire des choix. Cela dépend aussi des marchés. Il y a notamment une vraie demande en vin de France de la part du négoce. Mais il ne faut pas non plus tomber à des prix bas. Les vins de France doivent permettre de dégager de la marge. » Et pour dégager de la marge et réduire les coûts, le vignoble s’est adapté en développant notamment les vignes larges. « On a créé un véritable outil pour des vignes dites larges. Cela permet d’avoir du matériel que l’on peut amortir sur une plus grande surface, de développer également la robotisation, dans le rang ou sous les ceps. » Récemment, le domaine a ainsi repris une parcelle d’une douzaine d’hectares, « replantée à 2m50 à raison de 4 444 ceps/hectares. Le but est faire de la TRP, la taille rase de précision, pour mécaniser cette tâche de la taille. » Toujours à la recherche d’innovations, Jean-Michel Morille prévoit également de développer les cépages résistants. La plantation de pieds de Floréal est prévue cette année, toujours avec l’objectif de diversifier la gamme en s’adaptant aux évolutions environnementales.
Les bulles pétillent
Dans le Muscadet, un autre produit est également en plein essor : le vin pétillant ou mousseux.15 000 hectolitres de Vin Mousseux de Qualité sont ainsi produits chaque année. Gazeifié ou en méthode traditionnelle, il est souvent réalisé à partir de Chardonnay ou de Folle Blanche mais les cuvées effervescentes à partir de Melon de Bourgogne se développent. Le Domaine Vinet à La Haye-Fouassière produit depuis quatre ans une cuvée 100 % Melon en méthode traditionnelle, vendue 8 € la bouteille. Une cuvée « confidentielle en termes de volumes car réservée à une clientèle de particuliers », précise Gérard Vinet. « On s’est lancés pour répondre à une demande de nos clients mais on l’a fait dans l’esprit de la maison. C’est un vin 100 % Melon et fait entièrement au domaine. » Pour ce producteur, « le créneau des bulles est un marché porteur. Notre région est adaptée à ce type de produit. Le Melon de Bourgogne apporte sa fraîcheur, une certaine acidité et un taux de sucre faible. Avec des règles particulières à la vendange et à la vinification, on obtient de très bons résultats. » C’est d’ailleurs vers cette voie que souhaite aller la Fédération des Vins de Nantes. Aux prochaines vendanges, des expérimentations en cuves closes à partir de Melon de Bourgogne et de Folle Blanche seront réalisées avec l’IFV à la cave expérimentale de La Frémoire. L’objectif étant de développer ce segment dans le cadre d’une structuration de gamme mais aussi d’une diversification de la production.