Passage de témoins
« On ne peut pas faire un grand vin avec un petit prix. » Cette phrase, prononcée par un ancien vigneron iconique du Muscadet interrogé pour notre dossier du mois, pourrait être gravée en lettres d’or sur les tables de la loi de la profession. Après avoir souvent donné la parole aux nouveaux installés et aux jeunes, nous avons souhaité recueillir le témoignage de la génération précédente, celle qui a connu les heures de gloire commerciale, le gel de 1991 et celui de 2008, déclenchant des crises en série vers le déclin progressif, puis le temps des grandes réformes vers la renaissance de l’appellation. Leur regard à distance est teinté, sans nostalgie ni amertume, de lucidité avec parfois un brin de fierté sur le nouveau visage du vignoble. Cette mémoire est précieuse car elle permet de mieux comprendre les enjeux actuels de la filière. Elle met aussi en lumière les nouvelles pratiques considérées comme irrationnelles il y a 30 ans mais comme une évidence aujourd’hui. Elle légitime l’audace et le courage des vignerons. Elle atteste enfin que le métier exige patience et passion et fait naître, au détour de tant de rencontres à travers la France, de grandes amitiés. Nous retenons surtout l’autre adage, affectueusement lancé à la cantonade par ces grands témoins du Muscadet et qui pourrait aussi figurer en fronton de tous les domaines pour lutter contre l’inexorable déconsommation du vin : « Aujourd’hui, il ne faut plus faire bon, il faut faire très bon ! »