Economie : météo favorable au Muscadet (1ère partie)
Les salons professionnels de ces dernières semaines ont donné la tendance pour 2024. Une année qui s’annonce dans la continuité de 2023 sur les différents marchés avec une météo plutôt favorable au Muscadet. Pour ce grand format en deux volets, nous vous proposons un baromètre par circuit de distribution. Ce mois-ci, focus sur les ventes en grande distribution, chez les cavistes et en direct par les producteurs, avec pour chaque marché, l’analyse de l’acheteur et du vendeur.
Dans un marché mondial marqué par une diminution constante de la consommation de vin, les tendances évoluent. Les vins rouges sont en repli tandis que les blancs progressent en particulier chez les consommateurs de moins de 35 ans. Leur intérêt porte sur des vins légers, frais, fruités, faciles à boire et le Muscadet répond à ces critères. Si les sorties de chais ont diminué ces 10 dernières années, elles semblent se stabiliser, voire même légèrement progresser. 250 000 hl sont sortis des chais sur la campagne 2022/2023 et les données pour 2023/2024 montrent une augmentation de 7,7 % en volume sur les six premiers mois de la campagne, 143 650 hl étant sortis des chais à fin janvier, contre 132 550 hl à fin janvier 2023. 79 % de ces volumes sont vendus en France, le reste l’étant à l’export. Sur le marché français, près d’une bouteille sur 2 est aujourd’hui vendue en grande distribution. Tour d’horizon de ces différents marchés.
En grande distribution, les volumes baissent mais la valorisation progresse
Les ventes de Muscadet sont toujours en repli en grande distribution mais la baisse semble ralentir. 101 180 hl ont été vendus (tous Muscadets) dans les hyper/supermarchés, drive et supérettes en 2023. C’est 3,9 % de moins qu’en 2022 mais il est à noter que la baisse des ventes en volume était de plus de 10 % entre 2021 et 2022. Le Muscadet AOC affiche une certaine stabilité avec une toute petite hausse des volumes de + 0,4 % à 39 340 hl. Le Muscadet Sèvre et Maine sur lie baisse en revanche de 5,5 % en volume à 47 150 hl. Les prix progressent en revanche pour toutes les appellations. Le prix moyen en Muscadet (toutes appellations) est de 5,85 € TTC/litre en 2023, en hausse de 6,5 %. Pour le Muscadet AOC, l’augmentation est de 5,9 % à 4,71 € TTC/litre. Elle est de 7,8 % pour le Muscadet Sèvre et Maine sur lie à 6,62 € TTC/litre.
Le point de vue du distributeur : Benjamin Bidault, Système U
« Le marché du vin est compliqué en volume même si on constate une meilleure valorisation. En 2023, le Muscadet a progressé en volume et en valeur chez nous. Le Muscadet Sèvre et Maine sur lie se valorise plutôt bien. Dans la gamme Club des Vins et Terroirs, nous avons une référence à 5,50 € et lorsqu’un Muscadet dépasse la barre des 5 €, c’est plutôt symbolique. Les bouteilles vendues 3,5 € ou 4 € en fond de rayon tendent à disparaître au fil du temps, en lien avec la baisse du nombre d’exploitations. Avoir un effet de valorisation est une bonne chose et les clients doivent évoluer dans leur compréhension, sur le fait que le Muscadet n’est plus une appellation d’entrée de gamme. Nous proposons d’ailleurs aussi des cuvées de qualité supérieure ou de millésimes antérieurs, notamment en Foire aux Vins. Cela nécessite un peu plus de prescription auprès de nos clients pour leur faire découvrir ces cuvées. »
Le point de vue du vigneron : Clément Drouard, Château-Thébaud
« La grande distribution est un marché important pour notre domaine puisque nous réalisons 60 % de notre chiffre d’affaires sur ce circuit. Nous travaillons avec plusieurs enseignes et on a pu constater une augmentation de la demande en Muscadet. Il y a eu une belle montée en puissance en 2023 et on est reparti sur les chapeaux de roues en 2024. Cette demande porte sur tous types de produits, du Muscadet traditionnel aux sélections parcellaires en passant par les crus communaux. Les consommateurs sont en demande de Muscadets de qualité. Nous travaillons aussi d’autres cépages et on s’aperçoit qu’il y a un vrai engouement pour les vins blancs et en particulier ceux de Loire. La valorisation a par ailleurs progressé et était inéluctable après les hausses de matières premières, les aléas climatiques et des récoltes plus faibles. »
Chez les cavistes, les vins de Loire ont la cote
Il n’y a pas de données annuelles sur les ventes en volume et en valeur sur ce circuit mais le cahier sur la consommation des vins blancs en France publié par Interloire fin 2023 nous donne quelques indications et tendances. On apprend ainsi que les vins blancs constituent la 3e offre d’alcool chez les cavistes, après les rouges et les spiritueux. Les vins de Loire, sont plutôt bien représentés. En 2022, selon le relevé d’offres effectué auprès de 327 cavistes, 14 % des bouteilles de 75 cl présentes chez les cavistes proviennent du vignoble de Loire. La Loire représente la 2e offre derrière la Bourgogne. Dans le détail, le Muscadet Sèvre et Maine sur lie en bouteille 75 cl est référencé chez 40 % des cavistes au prix moyen de 9 € la bouteille. L’appellation fait jeu égal avec Saumur ou Savennières en termes de taux de présence mais pas au niveau des prix.
Le point de vue du caviste : Samuel Buteau, directeur de réseau CAVAVIN
« Le Muscadet se porte bien sur notre réseau et a toujours été plébiscité, du fait notamment de notre implantation puisque 60 % des caves sont situées sur le quart Nord-Ouest. Depuis quelques années, on voit apparaître une vraie tendance de fond sur la consommation des vins blancs avec une grosse proportion des vins de Loire. Le consommateur recherche de la minéralité, du fruit, des vins accessibles, que l’on peut boire à différents moments et le Muscadet répond à ces temps de consommation. Au niveau des ventes, elles portent aujourd’hui plutôt sur l’entrée de gamme, les premières cuvées des vignerons dont l’approche est plus facile. Sur les crus, il y a une curiosité mais cela reste anecdotique. Notre prix unitaire à la bouteille a augmenté ces derniers temps. Il est entre 8 et 10 € sur notre circuit et va de 6 à 8 € en Muscadet, et de 15 à 20 € pour les crus. »
Le point de vue du vigneron : Sébastien Branger, Maisdon-sur-Sèvre
« Nous sommes présents chez des cavistes en Bretagne, Normandie, à Paris, Bordeaux et Nantes bien sûr. Leur demande porte plutôt sur des vins de terroirs et les crus. Les crus communaux représentent 15 % de ce que l’on vend aux cavistes. On commence aussi à vendre un peu de Muscadets millésimés notamment à Paris. Beaucoup de cavistes ont plusieurs références. C’est le cas à Nantes mais aussi à Paris. Ils essayent d’avoir une offre de prix intéressante. Aujourd’hui le Muscadet a le vent en poupe. Il y a une synergie entre une demande des consommateurs de vins blancs secs avec de belles acidités et sur ce point, on est sur le bon créneau, mais aussi des prix intéressants. On est dans une très bonne conjoncture et les gens sont de plus en plus curieux, notamment les jeunes qui cherchent de la nouveauté. Mais il faut faire attention car ça peut changer très vite. »
En vente directe, la qualité prime sur la quantité
Les ventes directes de la viticulture sont en léger repli entre l’année 2022 et 2023. 115 520 hl ont été vendus en direct par les producteurs en 2023, contre 119 370 hl en 2022, soit une baisse de 3 %. A noter que si les Muscadets sous-régionaux, avec et sans mention sur lie, sont globalement en baisse, ce n’est pas le cas du Muscadet AOC. Les volumes ont progressé de 3,6 % entre 2022 et 2023 avec 30 870 hl vendus dans les caves en 2023. Quant aux crus communaux, ils progressent d’une manière générale. Sur les 7 crus communaux reconnus, 1868 hl ont été vendus en direct en 2023, contre 1510 hl en 2022 soit un gain de 19,2 %.
Le point de vue de la vigneronne : Cécile Toublanc, Orée d’Anjou
« Nous réalisons 80 % de nos ventes auprès des particuliers et on se rend compte que les clients n’achètent pas plus mais plus qualitatif. Nous avons supprimé le vrac et une partie des bib pour valoriser en bouteilles et nous avons développé une offre oenotouristique depuis deux ans ce qui nous a apporté de nouveaux clients. Le panier moyen a un peu baissé en quelques années mais il y a de plus en plus de panachage, ce qui montre que les gens aiment goûter plus de produits tout en faisant attention à leur budget. Au niveau des références, 1 bouteille vendue sur 4 est un Malvoisie. Nous avons beaucoup d’appellations sur notre secteur et le Muscadet Coteaux de la Loire n’est pas dans les premières références. Mais le cru Champtoceaux progresse. Nous avions déjà une cuvée avec élevage sur lie prolongé, nos clients étaient donc déjà habitués à un Muscadet plus cher. C’est aussi l’avantage de la vente directe, on peut expliquer pourquoi un vin est plus cher. »
Le mois prochain, le deuxième volet de ce grand format poursuivra l’analyse des circuits de distribution du Muscadet avec un focus sur l’export et le marché du CHR français.