L’image du Muscadet, du local à l’international : troisième partie
Troisième et dernier volet de notre dossier sur l’image du Muscadet. Appellation renommée au niveau local et national, elle bénéficie d’une notoriété grandissante à l’international. De l’Angleterre à la Suède, sommeliers ou journalistes nous confient leurs impressions sur le Muscadet.
52 962 hectolitres, c’est le volume de Muscadet exporté en un an à fin février 2018*, soit une bouteille sur cinq consommée hors du territoire national. Malgré une baisse des exportations liée aux deux petites récoltes consécutives, le Muscadet est la 2e appellation en vins tranquilles la plus exportée du Val de Loire. Présent sur les cinq continents, elle est en pleine croissance en Amérique du Nord. 8 435 hectolitres ont été exportés aux États-Unis en un an (à fin février 2018), 5 896 hl au Canada, en hausse de 13,2 %. Le Royaume-Uni reste toutefois le premier importateur de Muscadet en volume avec 19 413 hl, en baisse de 42,5 %, et en valeur avec un chiffre d’affaires de 5,5 millions d’euros. Le top 5 des pays importateurs s’établit ainsi : Royaume-Uni, USA, Belgique, Canada et Japon. Mais le Muscadet voyage tout autour du globe. On peut en consommer dans plus de 120 pays jusqu’au Gabon, au Sri Lanka ou au Vanuatu. Certes les volumes y sont anecdotiques mais la présence de l’appellation tout autour du globe témoigne de sa notoriété.

Organisé aux Etats-Unis, l’événement Spring to Loire assure la promotion des AOC du Val de Loire auprès des professionnels et journalistes.
Le point de vue du sommelier : « La notion de terroir est très importante »
Meilleur sommelier du monde en 2007, Andreas Larsson est depuis 2013, partenaire de la foire aux vins E.Leclerc. Si le Suédois a découvert les vins français par la Bourgogne et la Vallée du Rhône, il apprécie tout particulièrement le Muscadet dont il a « pu goûter les meilleurs crus et les meilleures cuvées des meilleurs producteurs. » Ce qu’il apprécie ? « La pureté, la minéralité et la finesse du Muscadet qui s’associe à la gastronomie. » Il croit d’ailleurs beaucoup aux crus communaux. « Cela va dans le bon sens pour faire grandir l’image et la notoriété de l’appellation. Beaucoup de personnes résument le Muscadet a son cépage unique. On ne parle pas assez de la région, du terroir. La notion de terroir est aujourd’hui très importante. Il faut parler de la qualité du terroir pour faire oublier aux gens l’idée du » petit vin de soif ». » Si Andreas Larsson reconnaît qu’il est parfois difficile de fidéliser le consommateur « tant l’offre est importante », il recommande de s’appuyer sur les sommeliers pour gagner en notoriété : « Il y a une jeune génération qui s’intéresse aux vins au-delà des Bordeaux ou des Bourgognes. Aux vignerons de continuer à faire de bons vins et à en parler. »

Jim Budd, spécialiste des vins du Val de Loire, est « surpris de la qualité de garde des Muscadets ».
Le point de vue du journaliste : « It’s Muscadet time »
Bien connu des vignerons du Val de Loire, Jim Budd a eu l’occasion d’écrire à de nombreuses reprises sur le Muscadet, notamment pour le magazine Decanter. Sa première visite dans le Nantais remonte à 1989. « Il y a avait déjà à l’époque de très bons vignerons. La qualité s’est encore améliorée depuis. » Fin connaisseur de l’appellation, le Britannique concède avoir été surpris « par la qualité de garde des Muscadets. » L’an passé, il a d’ailleurs participé à la grande dégustation de crus communaux organisée par Decanter. « J’étais déjà convaincu de leur qualité, cette dégustation a eu valeur de confirmation. » Si les crus commencent doucement à traverser la Manche, Jim Budd ne cache pas qu’il reste beaucoup de travail à faire, « notamment pour expliquer qu’il n’y a pas un mais plusieurs Muscadets. Il est nécessaire d’expliquer au consommateur que certains peuvent être servis à l’apéritif, d’autres avec des fruits de mer et que les crus ou les cuvées de garde peuvent accompagner des plats cuisinés ou des poissons grillés. En Angleterre, le Muscadet regagne un peu de terrain mais c’est encore compliqué. C’est valable pour les autres vins français. Quand on regarde la carte des vins dans les restaurants, leur proportion a beaucoup diminué. »
Cet avis, Rebecca Gibb le partage également. Journaliste indépendante, elle travaille notamment pour le magazine Meininger’s. « Le Muscadet est un vin qui est pas mal servi dans les bars ou que l’on achète parce qu’il est abordable. Les Britanniques ont un peu oublié l’appellation mais les crus communaux sont une bonne raison pour leur rappeler qu’elle existe, que le niveau est élevé et que le Muscadet est aussi un vin de garde. En Angleterre, les Chablis et Bourgogne sont devenus très chers et les consommateurs recherchent un vin similaire, avec une belle rondeur en bouche et un faible degré d’alcool. Le Muscadet correspond à cette demande. Pour moi, il est clair que c’est LE moment pour le Muscadet. Maintenant il faut dépasser les à-priori. »

En 2017, Rebecca Gibb avait découvert le vignoble de Nantes dans le cadre d’un article pour le magazine Meininger’s.
L’été dernier, elle s’est elle-même rendue dans le vignoble de Nantes pour rédiger un dossier sur le Muscadet. « La dégustation de Decanter avait piqué ma curiosité. Je ne connaissais pas la région, je n’y étais jamais venue et cela m’a permis de me rendre compte de la qualité des vins et en particulier des crus. C’est rare de découvrir un vin et une région comme cela. » Elle retient d’ailleurs de son séjour « la générosité des vignerons. Ils ont ouverts des bouteilles de 1980, 1990. A la dégustation je me suis dit » Oh mon Dieu, ces vins sont incroyables ! » Ils avait gardé toute leur fraîcheur. » Mais si Rebecca Gibb est convaincue de la qualité du Muscadet, reste encore à convaincre les prescripteurs anglais. « Il faut aller chercher des ambassadeurs sur place. Les viticulteurs ne gagneront pas la bataille seuls. Il faut convaincre les restaurateurs, les cavistes et avoir le maximum d’articles dans la presse pour inciter les consommateurs à découvrir le vignoble. »