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Marketing & Communication : comment orienter ma stratégie d’entreprise ?

Plate-forme de marque, cible, bloc-marque, charte graphique, communication digitale, e-réputation, etc. Le vocabulaire du marketing et de la communication vous est peut-être familier… ou pas ! A l’ère du numérique, les domaines viticoles sont confrontés à la nécessité de structurer leur stratégie de communication dans l’objectif de développer leur offre commerciale. Comment définir une stratégie ? Par où commencer ? Comment la déployer et à quel prix ? C’est la thématique des dossiers de juin et juillet de la newsletter des Vins de Nantes.

La photo des vignes au coucher du soleil sur Facebook, d’une bouteille de Muscadet en plein cœur de New-York sur Instagram ou le partage d’un article positif sur Twitter font aujourd’hui partie du quotidien des vignerons. Présents sur Internet via leurs sites web ou les réseaux sociaux, acteurs des réseaux professionnels, les producteurs sont passés en quelques années du marketing de l’offre à celui de la demande. « Hier, l’objectif était de faire le meilleur vin possible. Puisque c’était le meilleur vin, il allait forcément trouver preneur. Aujourd’hui, il s’agit d’identifier sa cible – A qui je m’adresse ? Qui sont mes clients, mes consommateurs ? – et de structurer son offre pour répondre à ses attentes », explique Sylvain Dadé, directeur associé de l’agence SOWINE, spécialisée dans le conseil et le marketing vin & spiritueux. « La concurrence est telle que ce n’est pas juste parce que l’on a le meilleur vin qu’il va se vendre. Chacun doit mener une réflexion sur la cible et définir une stratégie de marque. »

Première étape : définir sa plate-forme de marque
Pour définir une stratégie de marque et donc un plan marketing, « il faut commencer par structurer son identité », poursuit Sylvain Dadé. « Qu’est ce qui rend mon domaine, ma propriété, unique par rapport à mes voisins ou mes concurrents ? C’est ce que l’on appelle en marketing la plate-forme de marque ou les fondamentaux de la marque. C’est tout ce qui concourt à expliquer la marque au public et qui s’accompagne d’une réflexion sur la cible. » Quel que soit son débouché, que l’on soit en vente directe, présent en CHR, en Grande Distribution ou l’export, la plate-forme de marque concerne tous types d’exploitations. « Il y a toujours des histoires à raconter. Le discours sera peut-être encore plus crucial si je suis en vente directe avec des questions toujours plus précises et directes des consommateurs. Si je travaille en B to B, il faut que le discours soit structuré car il sera délivré par un intermédiaire. Dans tous les cas il faut se poser des questions relativement simples : Qui suis-je ? Pour qui est-ce que je travaille ? Comment ? Quels sont mes objectifs ? » Un exercice par toujours simple à réaliser mais nécessaire, que l’on soit en cours d’installation ou de reprise d’un domaine, familial ou non.

En 2016, les vignerons de Nantes avaient effectué ce travail sur la plate-forme de marque pour définir la stratégie de communication de la Fédération.

A leur arrivée au Domaine des Frères Couillaud en 2006, Amélie et Vincent Dugué se sont interrogés sur la reprise du nom « Les Frères Couillaud ». « La génération précédente avait déjà posé les bases. Ils étaient trois frères donc le nom s’est imposé naturellement », explique Vincent Dugué, vigneron à La Regrippière. « Quand nous sommes arrivés, nous nous sommes posés la question – mon nom n’étant pas Couillaud – mais on ne se l’est pas posée très longtemps. La notoriété du Domaine s’étant faite sur ce nom, il fallait le conserver ». Quelques années après, François Couillaud, Vincent et Amélie Dugué ont pourtant fait appel à un cabinet extérieur pour affiner cette identité. « On se mélangeait parfois entre nom de domaine et signature Les Frères Couillaud. On ne savait pas s’il fallait mettre en avant le Château de la Ragotière ou Les Frères Couillaud. Cela nous a permis de tout remettre à plat. Nous avons gardé Les Frères Couillaud en marque ombrelle pour ensuite décliner notre gamme de vins sous des noms de Château. »

A La Regrippière, François Couillaud, Vincent et Amélie Dugué ont fait le choix de garder le nom « Les Frères Couillaud » en marque ombrelle.

A Gorges, Fred Lailler a également fait le choix de conserver le nom de son prédécesseur, Michel Bregeon, à son installation en 2011. « C’était une évidence. Il y avait des marchés à l’export, il fallait les conserver et c’était beaucoup plus simple ainsi. » Aujourd’hui pourtant, il admet que c’est un peu plus difficile. « Certains clients me disent de changer mais ce nom est devenu une marque. Nous avons recréé un logo, une charte graphique, les étiquettes, etc. Ce ne serai pas simple de changer. »

Deuxième étape : choisir une identité visuelle
En parallèle de la création d’une identité de marque intervient la réflexion sur la structuration de la gamme. « Ma marque est-elle transversale à l’échelle de mes différentes gammes de vin ? Est-ce que je me positionne en entrée de gamme ou en haut de gamme ? Toutes ces questions entrent en ligne de compte dans le choix de ses canaux de distribution », précise Sylvain Dadé, de l’agence SOWINE. Elles interviennent aussi dans la définition d’une politique tarifaire et dans le choix de son identité produit, la traduction de l’identité de marque. « Le point de départ, c’est la marque, la propriété, le domaine. Ensuite vient la réflexion sur le bloc-marque, la déclinaison visuelle de cette marque. Cette identité visuelle ne doit pas se résumer qu’à la bouteille mais à tous les outils de communication », poursuit Sylvain Dadé. Pour cette étape, la plupart des vignerons se font accompagner par un prestataire extérieur, généralement graphiste, pour définir une charte graphique duplicable sur les étiquettes de bouteilles et autres supports de communication. C’est le choix fait par Fred Lailler. « J’avais commencé à retravailler les étiquettes moi-même mais je ne suis pas graphiste et j’ai fait des erreurs. J’ai préféré faire appel à une agence spécialisée. »

Fred Lailler a fait appel à une agence spécialisée pour retravailler le logo du domaine.

Quel accompagnement et à quel prix ?
Deux questions qui viennent rapidement sur la table lorsque l’on parle stratégie marketing : faut-il se faire accompagner et quel est le prix de cet accompagnement ? « L’avantage de faire appel à un professionnel est de gagner du temps. Aller chercher la compétence et l’expérience permet aussi d’aller plus en profondeur dans la définition de sa singularité. Il n’y a en revanche pas de réponse toute faite à la question « Combien ça coûte ? ». Tout dépend de la méthodologie, si des bases ont déjà été posées et qu’il faut juste accompagner l’effort, ou s’il faut se poser des questions de fond, si on veut effectuer des études sur la marque, sa notoriété, interroger des experts, etc. » Pour Les Frères Couillaud, l’accompagnement par un cabinet extérieur avait coûté 5 000 € pour lesquels le Domaine avait bénéficié d’une aide de FranceAgriMer. L’aide au diagnostic d’exploitation dans les caves particulières viticoles permet « aux exploitants en caves particulières d’identifier leur positionnement sur le marché, l’adéquation de leur production, de leurs prix, de leurs circuits commerciaux et de leur stratégie avec ce positionnement », indique FranceAgriMer. L’aide peut aller jusqu’à 50 % du montant HT de l’audit.
En fonction de la dimension de l’exploitation, il est aussi possible de réaliser ce travail en interne. A Thouaré-sur-Loire, le Vignoble Marchais s’est développé en parallèle de la structuration de l’équipe, composée de 5 personnes pour ce domaine de 28 hectares. Auparavant prestataire extérieure, Violette Marchais a rejoint l’entreprise il y a deux ans comme graphiste tandis que Cynthia Verlot s’occupe de la communication et de la partie oenotourisme. « On s’est structurés quand les travaux du chai ont été réalisés », explique Cynthia. « Nous avons développé l’oenotourisme, un bar à vin. Il fallait être sur tous les fronts pour développer la notoriété. Aujourd’hui chacun d’entre nous est très polyvalent. »
Que l’on soit accompagné ou non, il est dans tous les cas préférable d’y aller étape par étape. « L’accompagnement et les engagements financiers peuvent se lisser dans le temps. Le budget mobilisable en marketing et communication peut être utilisé sur plusieurs années », indique Sylvain Dadé. « On commence par définir la plate-forme de marque. On continue avec les travaux d’identité visuelle, de packaging. Viennent ensuite les supports de communication comme le site internet, les réseaux sociaux si besoin, l’événementiel, les relations presse, la publicité, etc. L’idée est de ne pas mettre d’efforts de communication si on n’est pas prêts. Ils doivent aussi intervenir quand, du point de vue du travail dans les vignes ou au chai, la qualité est au rendez-vous. Ne reste ensuite plus qu’à la traduire. » Passer du savoir-faire au faire-savoir, ce sera la thématique de notre prochain dossier.