Journal de Bord
Tous les articles
Grand format

« Une très bonne dynamique à l’export pour les vins de Loire »

Claire Duchene, directrice marketing et communication d’InterLoire (crédit : Patrick Touchais/Le Vigneron du Val de Loire), et Antoine Couillabin-Loiselier, chargé de mission filière vin et spiritueux à Food’Loire (crédit : Food’Loire).

Le succès de la dernière édition de Wine Paris confirme l’intérêt des acheteurs internationaux pour les vins français et en particulier ceux du Val de Loire. Si l’année 2022 a été plutôt mitigée pour le Muscadet avec des volumes en baisse, les perspectives sont encourageantes pour 2023. Pour développer les ventes et accroître la notoriété des vins de Loire, InterLoire multiplie les actions collectives. De son côté, Food’Loire, service de la chambre régionale d’agriculture, accompagne les entreprises de manière plus individuelle. Entretien croisé avec Claire Duchene, directrice marketing et communication d’InterLoire et Antoine Couillabin-Loiselier, chargé de mission filière vin à Food’Loire.

Comment se porte le marché export pour les vins du Val de Loire et en particulier du Muscadet ?
Claire Duchene : Les Vins du Val de Loire représentent en volume 420 000 hl, soit 3 % des parts de marché des vins français. L’année 2022 n’a pas été très bonne pour le Muscadet. Faute de disponibilités, les exportations en volume ont atteint 50 000 hl contre 58 à 60 000 hl en temps normal. La première destination export reste le Royaume-Uni avec 14 000 hl même si les volumes ont beaucoup diminué en raison des difficultés d’enregistrement et des soucis d’étiquetage avec une nouvelle réglementation en vigueur. Ensuite on retrouve le Canada, les États-Unis mais aussi la Belgique qui est un pays prioritaire avec 10 000 hl. Les exportations sont ensuite plus diffuses et timides vers l’Australie, le Japon qui ne décolle pas beaucoup, et les pays d’Europe du Nord comme la Suède où les volumes sont faibles mais la valorisation intéressante.
Antoine Couillabin-Loiselier : Sur le plan qualitatif, on sent qu’il y a une très bonne dynamique à l’export pour les vins de Loire. Le Val de Loire coche toutes les cases de la recherche actuelle à l’international : des degrés d’alcool plutôt bas, des tarifs abordables, des vins tournés vers le bio, la biodynamie et une région où on produit du blanc et des bulles qui sont très demandés par les importateurs. Concernant le Muscadet, les acheteurs se sont rendu compte que ce n’était plus le petit vin pas cher et peu qualitatif. Il y a des crus, une diversité exceptionnelle, un cépage cousin du chardonnay et les acheteurs se sont formés, on appris à connaître l’appellation. Nous étions en Corée du Sud et au Japon il y a quelques mois et les acheteurs connaissaient le Muscadet et en cherchait. Il y a une vraie recherche sur les vins de Loire et il n’y avait qu’à voir les allées de Wine Paris pour s’en rendre compte.

Relooké, le Pavillon Loire utilisé sur les salons comme ici Wine Paris, met en avant le mot « Loire » et des visuels qui permettent aux visiteurs de bien identifier le vignoble. Crédit : Food’Loire.

Quel bilan faites-vous justement de Wine Paris et comment se présente ProWein ?
Antoine Couillabin-Loiselier : Le salon était hyper dynamique avec une hausse de la fréquentation des importateurs et donc de très bons retours pour tout le monde. ProWein reste quant à lui le plus gros salon mondial même si le pavillon France diminue cette année de 20 à 30 %. On va perdre un demi-hall sur ProWein alors que l’on essaye de pousser les murs à Wine Paris. La dernière édition du salon n’était pas bonne et les frais pour les domaines sont très élevés, encore plus avec le changement de politique d’aide régionale. Jusqu’à présent les entreprises qui participaient à un salon étaient soutenues à 50 %. Depuis cette année, le système est dégressif avec un soutien de 50 % la 1ère année, 40 % la 2e et 30 % la troisième et dernière année. L’idée est de donner l’étincelle au démarrage mais pas de subventionner sur le long terme. Tous ces facteurs font que Wine Paris prend aujourd’hui le pas sur ProWein.

« Notre stratégie est plutôt défensive et centrée sur 5 pays : les USA, le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada et l’Allemagne », Claire Duchene (InterLoire).

Quels sont les objectifs des vins du Val de Loire à l’export ?
Claire Duchene : Le plan filière fixe comme objectif 30 % des vins du Val de Loire commercialisés à l’export d’ici 2030. Depuis 3 ans, le pallier grimpe mais nous sommes sur une progression de 2 à 3 % alors qu’il nous faudrait 6 à 7 % pour atteindre les objectifs finaux. Nous sommes confrontés à des phénomènes souvent conjoncturels comme la disponibilité des produits, le Brexit, les taxes Trump ou encore l’inflation qui peuvent faire basculer la courbe du jour au lendemain. L’objectif du plan filière est un objectif de volume mais poursuit aussi l’ambition de valoriser notre vignoble et sur ce point, il y a une forte progression de la valorisation des vins de Loire.

Quelle est votre stratégie pour atteindre ces objectifs ?
Claire Duchene : Notre stratégie est plutôt défensive et principalement centrée sur 5 pays : les USA, le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada et l’Allemagne. Sur ces pays, nous avons l’objectif d’accroître le nombre de nouveaux consommateurs pour développer les volumes, mais aussi de ne pas perdre les consommateurs acquis. Si en Belgique par exemple, nous perdons les consommateurs acquis, il nous faudra 4 fois plus de nouveaux consommateurs pour atteindre les mêmes volumes. Il y a une forte envie pour certains d’être offensifs sur de nouvelles destinations mais comme nous avons énormément de chemin à faire, nous ne sommes pas partis sur cette orientation même si on s’est donné une part budgétaire d’opportunités.

Quelles sont les actions mises en œuvre pour développer les ventes à l’export ?
Claire Duchene : InterLoire mène exclusivement des actions collectives à l’échelle des appellations. Mais ces actions sont différentes selon les destinations. Aux États-Unis par exemple, elles sont tournées vers les professionnels avec une action phare qui est Loire Buyer Selection. C’est une sélection annuelle des vins du Val de Loire présents aux États-Unis, soumis à la dégustation des importateurs. Au Royaume-Uni, après avoir été partenaires des restaurants, sommeliers et cavistes, nous sommes tournés vers le grand public. Cette année, nous organisons pour la 1ère fois notre propre festival dans la continuité de Loire Bucket List. Le Bloom Big Festival aura lieu en juin à Londres et en juillet à Édimbourg en Écosse. Pendant trois jours, nous organiserons toute une série d’ateliers pour mettre en avant l’ADN des vins du Val de Loire. Et nous capitalisons toute l’année sur cet événement pour le faire connaître auprès de la presse et des influenceurs. En parallèle, nous menons des actions chez les cavistes et restaurateurs. Ce sont principalement des formations. Nous avons également des opérations presse avec des portages ou des voyages en Val de Loire. Fin avril, nous accueillerons par exemple une cinquantaine de journalistes internationaux à Blois dans le cadre de Val de Loire Millésime.
Antoine Couillabin-Loiselier : L’objectif de Food’Loire est d’accompagner les vignerons à trouver un ou des importateurs. Nous sommes plus sur de la mise en relation directe. Nous organisons des tasting sur des marchés ciblés avec un nombre restreint de domaines. Nous réalisons aussi des diagnostics pour les entreprises qui souhaitent se lancer et nous accompagnons les vignerons dans leurs démarches administratives, juridiques ou financières. Le club export permet par exemple de suivre une quinzaine d’ateliers thématiques sur l’année : préparer son pitch, mettre en place une politique tarifaire, sécuriser ses transactions financières, préparer Wine Paris ou ProWein, etc.

« Go On! Bloom Big » la nouvelle campagne export d’Interloire pour le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Crédit : Interloire.

Existe-t-il des aides pour les entreprises à l’export ?
Antoine Couillabin-Loiselier : Il y a des aides proposées par la Région comme « Performance export », qui soutient les actions de préparation comme la définition d’une stratégie export, de prospection comme les salons ou encore de communication. Cette aide peut couvrir jusqu’à 40 % des dépenses dans la limite de 17 500 € HT et peut s’utiliser sur 24 mois. Il y a aussi le dispositif conseil export qui porte sur un accompagnement de 2 jours par un conseiller international, et le dispositif VIE pour embaucher un volontaire international. Enfin il y a des aides de la BPI (Banque Publique d’Investissement) pour soutenir la prospection ou le développement à l’export.

« L’export demande de la préparation, de la même manière qu’un salon », Antoine Couillabin-Loiselier (Food’Loire).

Quels conseils pouvez-vous donner à un vigneron qui souhaite se lancer à l’export ?
Claire Duchene :
La première chose est de réaliser un audit de la structure. Une stratégie export se construit, l’export ne doit pas être un coup. Il faut regarder le volume de production, les circuits de distribution, les prix, etc. En Pays de la Loire, cet audit est proposé par Food’Loire et par des organismes privés. Il ne faut pas non plus écarter l’option de travailler avec des maisons plus structurées comme les maisons de négoce. Il ne faut pas partir à l’export parce que c’est à la mode, mais se structurer pour le faire afin de ne pas se gêner les uns les autres.
Antoine Couillabin-Loiselier : Le conseil est de bien identifier sa commercialisation, définir son marché, le secteur où l’on souhaite vendre, les produits que l’on souhaite vendre, ses prix, etc. Il faut aussi penser à sa communication : est-ce que mon site web et mes supports sont traduits en anglais ? L’export demande de la préparation, de la même manière qu’un salon. S’informer est aussi très important. Nous fournissons des données économiques via InterLoire et Business France sur les marchés à potentiel. On a des marchés en Europe par lesquels on peut commencer parce qu’il y a plus d’appétence et moins de barrières douanières. Il y aussi la façon de travailler avec les importateurs. On ne travaille pas de la même manière au Québec, qu’aux États-Unis ou en Europe. Il faut tout anticiper pour ne plus être dans la réflexion mais dans l’action face à l’importateur. On peut en tout cas se lancer et c‘est même le moment pour les vignerons de Loire d’y aller tant il y a une demande pour les vins de la région.

Crédit photo de couverture : Philippe Labeguerie / Wine Paris Vinexpo.