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Passage de relais

 

Hervé Lebas dans ses vignes à Maisdon-sur-Sèvre.

Pour l’un ce sont les premières vendanges comme exploitant, pour l’autre les dernières. Nouvellement installé et futur retraité, Hervé Lebas à Maisdon-sur-Sèvre et Claude David à La Varenne, ont entamé cette récolte avec passion. Témoignages.

Hervé Lebas, 35 ans, vigneron à Maisdon-sur-Sèvre
« Je suis le dernier d’une fratrie de trois et le seul a avoir voulu prendre la suite de mon père. Tout petit déjà, je savais que je voulais être vigneron. Dès l’âge de 9 ans, je conduisais le tracteur et je restais à tailler. J’ai passé un BEP puis un Bac pro à Briacé avant une formation commerciale à Montreuil-Bellay. J’ai ensuite travaillé pendant une dizaine d’années comme ouvrier viticole à Saint-Fiacre, tout en travaillant les week-ends au domaine familial.
Je suis officiellement installé depuis le 1er avril 2017. Ce fut long, près d’un an et demi, et il me reste encore des papiers à remplir. Il y a beaucoup de démarches administratives pénibles. Tout seul, je n’y serai pas arrivé.
J’ai fait le choix de créer une société pour que mon épouse Karine puisse y travailler et pour nous protéger. J’ai aussi changé le nom du Domaine. Il portait auparavant le nom de mon père « Lucien Lebas » et s’appelle désormais « Famille Lebas » car nous travaillons ensemble, en famille. Même mes enfants donnent parfois un coup de main. J’ai deux filles de 13 et 10 ans et un garçon de 7 ans. Les filles ont déjà prévu de reprendre le Domaine. Elles ont fait leur plan : la grande s’occupera du commerce et la plus jeune de la vigne. Jusqu’à aujourd’hui le Domaine se transmettait de père en fils mais cela changera.

Hervé aux côtés de Karine, son épouse, et de ses parents.

Le Domaine a été créé en 1789 et s’étend aujourd’hui sur 24 hectares. Nous faisons de la vente directe et du négoce. Le village de la Haie Trois Sous, comptait par le passé 13 viticulteurs. Aujourd’hui, je suis le dernier. Cela fait mal au cœur. Certes, cela nous a permis de nous agrandir un peu mais nous ne souhaitons pas aller au-delà car nous sommes à la limite en termes de moyens humains. J’avais prévu d’embaucher mais le gel a repoussé le recrutement. En 2016 nous n’avions que 2 hectares de gelé et nous avions fait une bonne récolte. Cette année par contre, la moitié à gelé. Nous avons gelé sur les hauts, mon père n’avait jamais vu ça. Pour limiter la casse, nous avons passé le pulvérisateur les nuits de gel. Nous projetions juste de l’air pour égoutter au maximum. Ça a sauvé un peu et j’ai au moins le sentiment d’avoir fait quelque chose.
Pour ces vendanges nous avons ressorti les « jouets » mi-août pour tout préparer et mettre en place. Nous avons tout le matériel au Domaine, je vais donc passer la machine à vendanger dans les vignes qui ont gelé. Si j’avais été en Cuma, je ne l’aurais pas fait, cela aurait coûté trop cher.
L’avenir, je l’imagine bien. Malgré le gel, le commerce marche bien et nos clients viennent de partout, de France mais aussi de l’étranger. Hier le Muscadet souffrait d’une mauvaise image mais cela a changé. Les clients sont aussi demandeurs de Gros Plant. J’ai d’ailleurs prévu d’en replanter. J’ai aussi pour projet de développer le commerce et la gamme et celui de rénover la cave l’année prochaine. Mon épouse travaille à mes côtés à mi-temps, cela lui permettra d’avoir un bureau et de faire l’accueil en cave avec une salle de réception. Le but à l’avenir est d’accueillir des cars. »

Épargné par le gel en avril dernier, Claude David s’attend à une très belle récolte cette année.

Claude David, 63 ans, vigneron à La Varenne
« Le Domaine de Gaigné est un Domaine familial. Il a été créé par mon grand-père à la fin des années 50. Mon père et mon oncle ont pris la suite puis je me suis installé. D’abord avec mon père en 1983 puis avec mon cousin. Nous étions en Gaec avec une partie agricole (vaches allaitantes et laitières) mais mon cousin a tout arrêté en 2008. J’ai alors continué seul, uniquement la partie viticole, le reste ayant été repris par une jeune agricultrice. J’ai aujourd’hui 15 hectares de vignes en Muscadet, Gros Plant, Pinot Gris pour le Malvoisie ou encore Cabernet franc pour les appellations d’Anjou. Je fais principalement de la vente directe mais je vends aussi une partie au négoce.
J’ai commencé à préparer ma retraite à 58 ans. A l’époque j’avais été contacté par la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire mais cela n’a rien donné. C’est le bouche à oreille qui a fonctionné. Ma sœur a passé une annonce sur Leboncoin, ça a fait bouger les agences immobilières mais cela n’a rien donné. J’ai bien été contacté par des collègues qui souhaitait reprendre une partie des vignes mais je tenais à vendre l’ensemble du Domaine. Finalement, c’est le commercial d’un fournisseur de matériel viticole qui a parlé de moi à des vignerons de Saint-Julien de Concelles. C’était fin 2016. Le couple cherchait un Domaine pour installer ses enfants, il m’a appelé dans la journée et nous nous sommes vus quelques jours plus tard. Quinze jours après nous allions plus loin dans la discussion et nous avons trouvé un accord pour les vignes, les murs, le matériel et l’ancienne maison de mon père. Les deux fils de 20 et 25 ans vont s’y installer. D’abord le plus jeune qui habitera sur place, puis l’aîné à partir de septembre 2018. Quant à moi, je serai officiellement en retraite au 31 décembre 2017. Je m’étais de toute façon mis comme objectif d’arrêter après ces vendanges.
Je n’ai pas gelé cette année, ni l’année dernière. Il y a une belle récolte à faire. C’est d’ailleurs un élément qui a compté dans la reprise. Il y a un an, je n’aurais pas cru finir comme ça. C’’est le paradis ! Comme quoi, lorsque l’on veut vendre, il ne faut pas se démoraliser et y croire jusqu’au bout. Mais il est important d’entamer les démarches bien en amont et d’avoir une exploitation qui tient la route économiquement.
Après les vendanges, je resterai ici pour vendre le vin et assurer les commandes. En décembre, je présenterai la succession lors des portes ouvertes. Mais je ne parlerai pas de retraite. Pour certains, la retraite signifie un arrêt, ce n’est pas le cas. C’est une poursuite d’activité. Le Domaine de Gaigné continue. »

En décembre prochain, Claude David présentera ses successeurs lors des journées portes ouvertes au Domaine de Gaigné.