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La folle blanche, avenir du Gros Plant ?

A La Frémoire, des pieds de folle blanche ont été plantés aux côtés des autres cépages emblématiques du vignoble pour expliquer le lien avec les AOC de Nantes.

A La Frémoire, des pieds de folle blanche ont été plantés aux côtés des autres cépages emblématiques du vignoble pour expliquer le lien avec les AOC de Nantes.

Petit frère du Muscadet, le Gros Plant du Pays Nantais est le plus océanique des Vins de Nantes. Malgré sa vivacité, sa fraîcheur et sa légèreté, l’appellation voit ses surfaces diminuer depuis quelques années. A l’inverse, son cépage principal, la folle blanche, connaît quant à lui un regain d’intérêt de la part des vignerons, notamment pour son adaptation au changement climatique. Et si l’avenir du Gros Plant était tout simplement la folle blanche ?

Dans la famille des Vins de Nantes, c’est encore un petit jeune. Officiellement reconnu en Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) en 2011, le Gros Plant était par le passé le cépage phare du Pays Nantais, alimentant notamment un commerce de vins de distillation. Le nom de Gros Plant est apparu pour la première fois dans un écrit daté de 1732 et son vignoble n’a cessé de se développer au fil des années jusqu’à être plus strictement encadré par les vignerons qui ont adopté de nouvelles règles de production après la crise du Phylloxéra. En février 1956, le Gros Plant du Pays Nantais est reconnu en appellation d’origine vin délimité de qualité supérieure. Une classification remplacée par l’AOC à la suite de la réforme européenne des appellations en 2009.

Décroissance progressive
Il y encore 15 ans, juste avant sa reconnaissance en AOC, le Gros Plant couvrait 1 210 hectares de vignes pour une production annuelle de 90 000 hl. Depuis, les surfaces ont presque été divisées par 4. En 2023, l’AOC ne représentait plus que 330 ha pour une production annuelle de 20 000 hl. Une diminution qui risque de se renforcer avec la récente révision de l’aire parcellaire délimitée de l’appellation, les parcelles exclues de l’aire et situées dans les communes des régions Coteaux de la Loire et Sèvre et Maine ayant en effet jusqu’à la récolte 2031 incluse pour bénéficier du droit à l’appellation. Pour Jean-Michel Morille, ancien président de l’AOC plusieurs éléments expliquent aussi cette baisse des surfaces. « La première est le recul de la consommation. La seconde c’est la rentabilité en baisse. Il y a également le fait que des agriculteurs en polyculture ont peu à peu abandonné leurs surfaces en vignes, notamment dans le Pays de Retz. Et puis il y a le désamour des vignerons pour le Gros Plant et la non mise en valeur de ce produit. » Pour moitié commercialisé par le négoce, le Gros Plant est principalement vendu en France, notamment en grande distribution dont le marché représente 86 % des sorties de chais. Les prix ont régulièrement progressé pour atteindre 3,8 € TTC la bouteille (75 cl) en 2023. Mais la valorisation la plus importante s’observe à l’export avec, selon les données transmises par InterLoire, des prix pouvant atteindre jusqu’à 8,5 € HT/la bouteille.

L’appellation Gros Plant du Pays Nantais s’affiche la plupart du temps sur l’étiquette faciale mais certains producteurs lui préfèrent parfois le nom du cépage.

Gros Plant côté pile, Folle blanche côté face
A Vallet, Stéphane Orieux commercialise son Gros Plant chez les cavistes et restaurateurs français mais aussi à l’export. « On vend au Canada, aux Etats-Unis, un peu en Belgique et en Hollande avec une bonne valorisation autour de 5 € HT la bouteille départ cave. » Il cultive aujourd’hui 1 ha de folle blanche… après en avoir arraché à son installation en 1997. « Il y avait 2,3 ha de folle blanche à l’époque. On ne le vendait pas, c’était compliqué et j’ai arraché progressivement ce cépage. Pendant très longtemps j’ai une gardé une parcelle de 75 ares plantée en 1967 et où il y a très peu de manquants. Mais depuis quelques années, le marché a évolué et je manque tous les ans de Gros Plant. J’en ai donc replanté 30 ares. J’en replanterai peut-être un peu d’autre à l’avenir mais je ne dépasserai pas les 2 ha. » A Gorges, Fred Lailler compte lui aussi replanter de la folle blanche. S’il revendique sa cuvée en AOC, il affiche le nom du cépage sur l’étiquette faciale. « Quand on appelait ça Gros Plant ça ne se vendait pas, depuis que ça s’appelle Foll’Blanche, on n’en a pas assez ! ». Il n’est pas le seul vigneron à promouvoir le cépage sur l’étiquette de sa cuvée AOC. La cuvée de Gros Plant de Stéphane Orieux s’appelle aussi « La Folle Blanche ». « Les clients m’achètent de la folle blanche, pas du Gros Plant. Mais je tiens à revendiquer l’appellation et à marquer Gros Plant sur l’étiquette au dos de la bouteille. »

Le cépage plus vendeur
Dans le vignoble, d’autres producteurs ont fait le choix de s’affranchir de l’appellation. Pour des questions de conformité au cahier des charges mais aussi pour des raisons marketing. C’est le cas d’Eric Chevalier à Saint-Philbert de Grandlieu. « Le nom « folle blanche » est bien plus joli que Gros Plant et le cépage étant dans le cahier des charges des vins de pays, j’ai quitté l’appellation. » Ses deux cuvées de folle blanche sont aujourd’hui vendues entre 9 et 13 €, dans la moyenne des prix pratiqués par d’autres domaines qui revendiquent le cépage hors appellation mais supérieurs à ceux de l’appellation. Selon le relevé de prix au domaine réalisé par InterLoire, le prix moyen d’une bouteille de Gros Plant était de 5,37 € TTC en 2023. Le cépage serait-il donc plus vendeur que l’appellation ? Le débat est en tout cas ouvert chez les vignerons de Nantes, ou plutôt rouvert car un changement de nom de l’AOC a déjà été évoqué par le passé. « Il a été envisagé de l’appeler Folle Blanche plutôt que Gros Plant mais ça n’a pas abouti. Il y avait une volonté insuffisante des producteurs », se rappelle Jean-Michel Morille. En 2013 et 2014, l’appellation avait d’ailleurs communiqué autour du cépage à l’occasion de l’événement « Les Electrowine de la folle blanche ». Ce festival de musique électro organisé à Nantes à la Maison des Vins puis sous les Nefs des machines de l’Ile avait séduit un public jeune, urbain et sans préjugés sur l’appellation mais avait dû être abandonné après deux éditions faute de financements suffisants.

La folle blanche présente des atouts dans le cadre du changement climatique, notamment au niveau du débourrement et des degrés.

Un nouveau nom pour l’appellation ?
Aujourd’hui, les discussions ont donc repris sur la base de ce constat marketing mais aussi sur le fait que ce cépage présente des caractéristiques intéressantes dans le cadre du changement climatique. Son débourrement est un peu plus tardif, il est capable de redémarrer après un coup de gel et n’est peu voire pas sensible au mildiou même s’il a pour défaut celui de l’être au botrytis. La production est par ailleurs bonne avec des rendements supérieurs à 70 hl/ha. C’est d’ailleurs le rendement fixé par le cahier des charges de l’appellation. Modifié en 2019, avec notamment l’abaissement de la densité de plantation à 5000 pieds/ha, celui-ci pourrait donc être prochainement révisé avec le changement de nom. « J’y suis favorable », avance Joël Guillonneau, président de l’AOC Gros Plant du Pays Nantais. « L’idée est d’être plus sur le nom du cépage, plus porteur, à la fois pour rajeunir l’appellation mais aussi pour attirer de nouveaux consommateurs. Beaucoup d’opérateurs utilisent déjà le nom de la folle blanche, mais ne sont plus dans l’appellation. Un autre nom pourrait les inciter à revendiquer l’AOC. Nous serions alors plus nombreux, plus forts aussi sur le plan de la communication. » Le Gros Plant tient donc peut-être son avenir dans la folle blanche. Que ce soit AOC, en vin de France tranquille ou pour de la bulle, ce cépage, un temps menacé de disparition, a des atouts organoleptiques, marketing et économiques. Des atouts et un ancrage fort au territoire qui font de lui, une voie d’avenir pour le vignoble de Nantes.