Coup de froid sur le vignoble de Nantes
De fortes gelées deux années de suite, le scénario paraissait improbable. Pourtant une vague de froid s’est bien abattue sur le vignoble de Nantes à la fin du mois d’avril causant d’importants dégâts.
Au matin du 26 avril, certains étaient déjà dans les vignes à estimer les dégâts. D’autres ont préféré attendre, patienter encore quelques jours pour faire le tour des parcelles. Tous font pourtant le même constat : les gelées des 26, 27 et 28 avril, cumulées par endroits à celles du 20 avril, ont détruit une partie de la récolte à venir. Pour mesurer précisément l’ampleur des dommages, la Fédération des Vins de Nantes a lancé une enquête commune par commune. Les résultats reçus à ce jour font état de 50 % de pertes et d’une certaine disparité entre les secteurs. « Le cœur Sèvre et Maine a été très fortement touché. Clisson, Vallet, Le Landreau, La Chapelle-Heulin sont très impactées. Certaines parcelles sont détruites à 100 %. D’autres zones ont été un peu plus épargnées comme La Haye-Fouassière où 20 % des vignes sont touchées. Le Sud du Lac de Grandlieu et les Coteaux de Loire ont également enregistré un peu moins dégâts »indique Olivier Martin, président délégué de la Fédération des Vins de Nantes.
A Bouaye, le Domaine du Haut Bourg fait état de 30 % de pertes. « Ce ne sont pas les mêmes parcelles que l’an dernier qui ont gelé. En 2016 nous avions eu beaucoup de dégâts sur des parcelles gélives, cette année c’est un peu différent. Au final on ne s’en sort pas trop mal » témoigne Nicolas Choblet. A Gorges, Damien Rineau estime que « 15 hectares sur 17 sont touchés à 100 %. C’est mort pour l’instant mais je garde espoir. On est vacciné maintenant. Finalement, des gelées deux années de suite ce n’est pas si surprenant. On avait déjà gelé en 90 par exemple. » La gelée de 1991 reste en effet dans toutes les mémoires. Celle de 2017 y ressemble fortement.
Éoliennes, hélicos et système-D
Annoncée et attendue, cette vague de froid a toutefois surpris par sa précocité. « De 3 à 6 heures du matin nous avons eu des gelées noires » explique Nadège Brochard-Mémain, conseillère viticole à la Chambre d’agriculture. « Il y a ensuite eu des gelées blanches. Il y eu aussi un peu de grêle au Landreau le jeudi ce qui a refroidi les sols. »Plus sévère qu’en 2016, ce coup de froid venu de l’Est a touché des secteurs jusque là plutôt épargnés. Les conseillers de la Chambre ont ainsi noté « des impacts entre Corcoué-sur-Logne et Rocheservière, un secteur qui ne prend jamais le gel. »
Pour se prémunir du gel et limiter la casse, plusieurs solutions ont été déployées par les vignerons. Avec plus ou moins de réussite. Au Landreau et à Saint-Philbert de Bouaine, des hélicoptères ont survolé les vignes. Mais le mal était déjà fait, les appareils ne pouvant décoller que 30 minutes après le lever du soleil. Les éoliennes, les canons à air pulsé ou encore l’aspersion ont permis de sauver des bourgeons. Des feux de paille ont également été allumés de manière à créer un écran de fumée protecteur. Quant aux produits anti-gel, Nadège Brochard-Mémain estime « ne pas avoir assez de recul sur leurs résultats. Certains en ont utilisé mais n’ayant pas installé de témoins, on ne peut pas savoir s’ils ont fonctionné ou non. » Beaucoup en tout cas s’interrogent sur la nécessité de s’équiper et avec quels appareils. Reste la question du coût et des aides possibles. Carmen Suteau, élue à la Chambre d’agriculture, milite par exemple pour une prise en charge dans le cadre du PCAE, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles.
Situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ?
Pour accompagner au mieux les vignerons, la filière viticole se mobilise. Le Conseil Stratégique de la Fédération des Vins de Nantes se réunira le 11 mai pour définir une stratégie de crise. « L’ensemble du Val de Loire étant concerné, la CVVL, la Confédération des Vignerons du Val de Loire, va s’emparer du dossier. Elle fera remonter les demandes auprès des autorités » annonce Olivier Martin. Une délégation composée de représentants de la Fédération, de la Chambre, du SVIN et de la FNSEA a également rencontré la Direction Départementale des Territoires le 4 mai. Une réunion sur le terrain pour dresser un état des lieux précis de la situation. Qu’attendre désormais des autorités ? « Le vignoble a besoin de bien plus qu’un report de charges sociales ou d’un allégement de la taxe sur le foncier non bâti » estime Olivier Martin. « A situation exceptionnelle nous devons trouver des aides exceptionnelles. L’ensemble des élus de la Fédération apporte un soutien sans faille à tous les vignerons touchés par le gel. Ils peuvent compter sur notre mobilisation pour porter leurs préoccupations et leurs demandes auprès des pouvoirs publics. »
« Rester prudent »
A l’heure du bilan des dégâts il est aussi légitime de s’interroger sur l’impact de ce gel sur les marchés. Pour Bernard Jacob, directeur d’Ackerman et président de l’Union des Maisons et des Marques des Vins de Loire (UMVL), « il faut rester prudent. Il ne faut pas alarmer les marchés inutilement. On ne sait pas encore ce que l’on va récolter. En 2016, les estimations étaient alarmistes et la récolte a finalement été supérieure. » Quant aux cours, Bernard Jacob estime que « cela va contribuer à un maintien voire à une évolution des05 prix tout en restant mesurés pour conserver les marchés. »
Les Bretvins aux côtés des vignerons : “Claude Nicol, grand maître de l’Ordre, au nom de l’ensemble des dames de la duchesse Anne et des chevaliers Bretvins, proches des vignerons, adressent toute leur sympathie à l’ensemble de la profession très touchée par les conditions climatiques désastreuses qui viennent de sévir dans le vignoble nantais.”